Loyers impayés : quelle procédure pour se protéger en tant que bailleur ?

En 2018, 17% des Français se déclaraient prêts à acheter un bien immobilier pour le mettre en location. Optimisation fiscale intéressante, effet de levier... Tous ces facteurs expliquent l'engouement et la confiance autour de l'immobilier. Cependant, même si l'immobilier fait office de valeur sûre, il ne faut pas négliger certains détails. En effet, comme tout investissement il existe des risques. De nombreuses raisons empêchent les Français de franchir le pas et de se convaincre d'investir.  La principale peur des Français souhaitant investir dans l'immobilier est le défaut de paiement des loyers. Il est vrai que la loi française protège peu les propriétaires face à ce problème. Le non-versement du loyer peut alors venir ternir les beaux projets que vous aviez prévus au moment où vous avez signé l'acte de vente. Il faut cependant relativiser car aujourd'hui le pourcentage d'impayés de loyer en France ne représente que 3 %. En outre, il existe plusieurs méthodes permettant de se prémunir contre les mauvais payeurs.

Bien choisir le profil de ses locataires en tant que propriétaire bailleur

Les profils à privilégier pour la location de son bien

La plupart des propriétaires ont tendance à privilégier les locataires occupant un emploi dans le secteur public. La sécurité de l'emploi de ces derniers est un argument solide pour convaincre les bailleurs de leur louer leur bien. Les salariés du privé en CDI sont aussi très appréciés puisqu'ils bénéficient d'un revenu régulier qui rassure les investisseurs. Les étudiants aussi ont la côte. La caution parentale, les aides financières comme les APL, permettent aussi de renforcer la confiance des bailleurs. En revanche, certains profils ont moins la côte. C'est le cas des retraités et des professions indépendantes.

La colocation : une solution pour se protéger des impayés

Recourir à la colocation peut aussi être intéressant pour se prévaloir contre les défauts de paiements étant donné qu'elle divise par deux le montant du loyer. Vous pouvez également recourir à une caution solidaire dont l’usage est très courant en colocation. Elle permet ainsi d'apporter la garantie de paiement par une tierce personne si le locataire ne paie pas sans engager de procédure juridique.

Demander une caution pour se protéger des impayés

La caution va aussi vous apporter la certitude d’être payé. En effet au moment de louer votre locataire peut demander à un proche ou à un organisme solvable de s’engager si le locataire venait à ne pas payer le loyer et les charges dus au propriétaire. Cette personne ou cet organisme endosse alors le rôle de caution.  Dans ce cas-là, la caution permet au propriétaire de toucher le loyer et les charges sans engager de procédure juridique. C’est donc aussi un bon moyen de se protéger des mauvais payeurs.

Souscrire à une assurance garantie loyers impayés

Les avantages de l’assurance garantie loyers impayés

Souscrire à une assurance sur les impayés peut s'avérer être une excellente solution pour s'assurer de ne pas être embêté si votre locataire venait à ne plus payer.  Ces garanties coûtent en général autour de 3 % des loyers. Cette garantie protège donc le propriétaire contre les impayés ainsi que les dégradations et prend en charge les éventuels frais juridiques si malheureusement vous étiez obligé d'engager une action en justice contre le locataire.  Cette garantie doit être souscrite auprès d'un assureur privé que le propriétaire pourra choisir à sa guise et, comme toutes assurances, en fonction des modalités du contrat et de ses exigences.

Les conditions pour souscrire à une assurance garantie loyers impayés

Un dernier point important est de bien comprendre que pour pouvoir bénéficier de cette garantie il faut que le locataire soit solvable.  Vous ne pouvez en effet pas souscrire à cette garantie et vous dire que n'importe quel locataire fera l'affaire maintenant que vous êtes assuré. Autre point très important à noter, l’assurance garantie loyers impayés (GLI) n’est pas cumulable avec une caution sauf si votre locataire est un étudiant ou un apprenti. L’assureur vous demandera de lui fournir le dossier complet de votre candidat locataire afin de vous dire s’il vous assure ou non et cela avant de signer le bail. La transition est toute trouvée puisque nous allons maintenant voir comment vérifier et s'assurer de la solvabilité de notre futur locataire.

Bien vérifier les documents dans le dossier du locataire

La liste des documents à demander au préalable

La constitution du dossier de votre locataire est une étape clé qu'il ne faut surtout pas négliger. En effet, il existe aujourd'hui une forte proportion de faux dossiers. La vigilance est donc de rigueur arrivé à cette étape.

Le Décret n° 2015-1437 du 5 novembre 2015 fixe la liste des pièces justificatives pouvant être demandées au candidat à la location et à sa caution.

Vous ne pouvez donc pas demander les documents que vous voulez. Voici la liste des documents autorisés :

  • Une pièce justificative d'identité en cours de validité

  • Un justificatif de domicile

  • Un ou plusieurs documents attestant des activités professionnelles

  • Un ou plusieurs documents attestant des ressources

En ce qui concerne la caution, les documents que l’on peut demander sont les mêmes.

Les astuces pour vérifier l’authenticité des documents

La tâche la plus difficile va donc être de vérifier la véracité et l'authenticité de ces pièces justificatives. Il est bien sûr préférable de demander les documents originaux plutôt que des copies.

Pour vérifier tout d'abord si son avis d'imposition n'est pas falsifié il existe une arme imparable mise à la disposition des propriétaires par le gouvernement sur le site suivant : page de vérification impots.gouv . Vous n'aurez ensuite qu'à entrer le numéro fiscal et la référence de l'avis d'imposition puis à confronter les données du document fourni par votre locataire à celles affichées sur le site du fisc.

En ce qui concerne les contrats de travail et les fiches de paie ce sont des documents faciles à falsifier et il faudra donc effectuer certains contrôles pour s'assurer que ce sont des vrais. Premièrement il peut s'avérer utile de vérifier l'existence de la société grâce au site www.société.com  . Nous vous conseillons également de contacter l'entreprise dans laquelle le locataire prétend travailler afin de s'assurer qu'il travaille bien là, et qu'il occupe bien le poste qu'il a mentionné sur son bulletin de paie et/ou contrat de travail.

Enfin pour vérifier l'identité du candidat locataire plusieurs techniques existent. La photocopie de la pièce d'identité doit évidemment correspondre à la personne qui va signer. Mais il existe plusieurs moyens de vérifier son identité. Un exemple tout bête est de confronter la date de naissance inscrite sur son justificatif d'identité aux deuxième et troisième chiffres du numéro de sécurité sociale (inscrits sur le contrat de travail) et qui correspondent à l’année de naissance du locataire. Vous pouvez également vérifier son adresse sur les pages blanches et utiliser les réseaux sociaux pour vérifier son identité (même s'ils ne sont pas une preuve irréfutable). Le garant doit par ailleurs être présent le jour de la signature de l’état des lieux afin de compléter de façon, manuscrite l’acte de caution (document légal) et de parapher et signer les 3 exemplaires du bail (1 pour le bailleur, 1 pour le locataire, 1 pour la caution).

Fixer le montant juste du loyer de votre bien

Vérifiez tout d’abord que le montant de loyer que vous souhaitez demander est conforme à la loi. L’augmentation des loyers entre deux locataires est en effet réglementée et doit suivre l’indice IRL. Si vous êtes concerné, vous devez bien évidemment respecter l’encadrement du loyer. Par ailleurs, si le loyer que vous allez demander est trop haut, vous risquez de ne pas trouver de locataire et vous vous exposez à une vacance locative qui elle aussi est une angoisse récurrente qui bloque les Français dans leur projet d'investissement. Concernant la vacance locative, il existe là aussi des assurances permettant de contourner ce problème et donc de toucher un loyer sans avoir d’occupants. Bien sûr pour en bénéficier il faut là aussi respecter certaines conditions. Fixez donc un loyer, dans le cadre légal, en adéquation avec les attentes du marché et vous aurez alors toutes les cartes en main pour limiter ce problème.

Que faire au premier loyer impayé ?

Malgré toutes ces précautions vous vous retrouvez dans une situation compliquée puisque votre locataire ne paie plus son loyer. En effet tout s’est bien passé depuis son arrivée mais ce mois-ci vous n’avez pas perçu le loyer qu’il vous doit. Vous décidez d’aller le voir pour connaître les raisons de ce petit incident mais ce dernier n’est pas très collaboratif. Vous ne savez malheureusement pas trop quoi faire face à cette situation. Pas de panique, il existe des solutions. Voici les recours possibles face à ce désagrément :

Etape 1

Dès le premier impayé de loyer vous avez plusieurs choix. Soit dans un premier temps vous contactez votre assurance si vous avez souscrit une garantie loyers impayés. Si vous n’en avez pas, vous avez peut-être demandé à votre locataire d’avoir une personne se portant caution en cas d’impayés. Dans ce cas vous devez contacter cette personne (la caution) pour lui demander de payer le loyer à la place du locataire. De plus si le locataire perçoit une aide au logement (type APL), vous pouvez directement toucher cette aide sous forme de tiers payant si vous avez au moment du bail rempli en ce sens le formulaire de la CAF avec votre locataire. Finalement au cours du mois la situation de votre locataire s’est régularisée. En effet, sa caution vous a payé l’argent que le locataire vous devait et le mois suivant vous avez bien encaissé le loyer. Vous vous dites donc que tout est rentré dans l’ordre.

Etape 2

Si ce n’est pas le cas, après plusieurs appels et courriers simples, envoyez une lettre recommandée avec AR à votre locataire et/ou à la caution en mentionnant dans ce courrier la procédure (lettres simples, e-mails, appels) que vous avez déjà entrepris pour recouvrer amiablement les sommes dues en mettant en demeure votre locataire de payer sous un délai raisonnable (par exemple une semaine, dix jours).

Etape 3

Enfin si votre mise en demeure est infructueuse (le locataire n’a toujours pas payé à l’issue du délai que vous lui avez accordé), faites porter par huissier un commandement de payer, première étape pour faire jouer la clause résolutoire.

Utiliser la clause résolutoire ou résiliation judiciaire

La clause résolutoire

Cette clause prévoit une résiliation du bail immédiatement et de plein droit si le locataire ne paie pas l’intégralité de son loyer et de ses charges 2 mois après un commandement de payer infructueux. En pratique cette clause existe dans la plupart des contrats de location. Lorsqu’une caution garantit le bail, le commandement de payer doit être signifié à la caution dans les 15 jours à compter du commandement de payer au locataire. A défaut, la caution ne peut être tenue au paiement des pénalités ou intérêts de retard.

La résiliation judiciaire

Si le bail ne contient pas de clause résolutoire, le propriétaire doit assigner le locataire par acte d’huissier devant le tribunal d’instance TI (ou le tribunal de grande instance TGI si le montant des impayés est supérieur à 10 000 euros) pour demander la résiliation du bail (résiliation judiciaire).

Les frais et honoraires déboursés par le propriétaire pour la délivrance des commandements ou la mise en recouvrement des sommes peuvent être mis à la charge du locataire sur décision du tribunal.

Le locataire peut de son côté demander de nouveaux délais en saisissant le TI ou TGI.  Le locataire, peut demander une aide financière auprès du Fonds de solidarité pour le logement (FSL) ou décider d’abandonner le logement mais pour que vous puissiez récupérer le logement il faudra suivre une procédure spécifique

Une fois le locataire assigné devant le TI ou le TGI pour constater la résiliation du bail et demander l’expulsion du locataire, c’est ensuite le juge qui va décider si le locataire sera expulsé en fonction de la situation. Le juge décidera s’il laisse du temps au locataire pour se remettre à flot ou s’il décide de l’expulser. La procédure d’expulsion est longue et complexe.

La résiliation du bail et la décision d’expulsion ont été prononcées par la justice mais votre locataire continue d’occuper le logement. Le juge peut alors engager la procédure d’expulsion mais il arrive que dans certains cas le juge accorde un délai supplémentaire au locataire pour qu’il puisse régler et sollicite un accompagnement par les services sociaux. Il vous faudra également patienter le temps de la trêve hivernale pendant laquelle aucune expulsion ne peut avoir lieu du 1er novembre au 31 mars.

Expulser le locataire en dernier recours

La procédure d’expulsion d’un locataire

Vous aviez pensé demander de l’aide à vos costauds amis déménageurs mais le risque de prendre 3 ans de prison et 30 000€ d’amende vous a refroidi. Changer les serrures du logement et toucher aux meubles n’est pas non plus la chose à faire puisque vous risquez d’être poursuivi pour violation de domicile. Vous allez donc là encore devoir faire appel à un huissier habilité à mettre en oeuvre la  procédure d’expulsion. Dans cette situation plusieurs choses peuvent se produire.

  1. La situation la plus simple : votre locataire n’émet aucune protestation. L’huissier va alors dresser un procès-verbal dans lequel il fait un inventaire des meubles, leurs emplacements et récupère les clés du logement.

  2. La situation conflictuelle : votre locataire refuse d’ouvrir la porte à l’huissier. Ce dernier va alors dresser un procès-verbal de tentative d'expulsion faisant part de l’incident pour faire appel à une autorité de police.

  3. Votre locataire n’est pas là le jour de l’expulsion. Dans ce cas-là l’huissier doit entrer dans le logement accompagné d’une autorité de police et d’un serrurier. Il dresse ensuite son procès- verbal fait enlever les meubles et changer la serrure. Il placarde ensuite une affiche sur la porte du logement pour informer le locataire qu’il n’a plus le droit de rentrer dans le logement.

La trêve hivernale

Néanmoins il existe une période durant laquelle on ne peut pas procéder à l’expulsion d’une personne. En effet une expulsion durant la trève hivernale (s’étalant du 1er novembre au 31 mars) est interdite. La demande d’expulsion peut être faite durant la trêve hivernale mais l’expulsion aura lieu à la fin de la trêve. Les seules situations pour lesquelles l’expulsion peut avoir lieu sont les suivantes :

  • L’immeuble dans lequel se situe votre bien présente un danger au vu de sa solidité. Dans ce cas le maire peut décider que l’immeuble fasse l'objet d'un arrêté de péril.

  • Votre locataire peut se reloger dans la foulée dans un logement correspondant à ses besoins familiaux (Nombre d’occupants=nombre de pièces)

Les procédures lorsqu’un locataire ne paie pas sont toujours un mauvais moment à passer et nécessitent une trésorerie importante (jusqu’à plusieurs années de loyers peuvent être nécessaires). Cependant il peut s’avérer très utile de les connaître pour ne pas par la suite se mettre en difficulté par exemple pour le remboursement de votre emprunt et risquer de se retrouver en situation d’insolvabilité.